« Ils auraient écumé l’Ile-de-France entre 2016 et 2017. Ils sont jugés pour 17 vols ou tentatives de vol à main armée. Leurs avocats ont dénoncé l’absence de preuve formelle et plaidé l’acquittement.
Seize braquages pour l’un, quinze pour l’autre. Pour cette impressionnante série de vols ou tentatives de vol à main armée, commis dans les supermarchés d’Ile-de-France en 2016 et 2017, l’avocat général Jean-Pascal Oualid a requis douze ans de réclusion criminelle à l’encontre des deux accusés, Fessal A. et Loris B.. Depuis le 3 janvier, ces deux copains de toujours sont jugés par la cour d’assises des Hauts-de-Seine avec un troisième accusé. Lui devrait s’en sortir : l’avocat général demande son acquittement car son identification est le fruit d’une méprise.
Pour Fessal A. et Loris B., en revanche, le magistrat ne doute pas, sauf pour un braquage qu’il écarte de la. liste. Même si les preuves absolument formelles et incontestables manquent dans cette affaire. C’est pourquoi les avocats de la défense – Maître Thomas Bidnic et Sophie Bonamour pour Fessal A. et Yves Leberquier pour Loris B. – ont plaidé l’acquittement de leurs clients. « Est-ce que vous joueriez votre vie sur la culpabilité » a tonné Yves Leberquier, exhortant les jurés « à ne pas tricher. Des soupçons, oui, des éléments pour renvoyer devant la cour d’assises, oui. Mais des preuves ? » a déroulé le pénaliste jeudi soir.« Les policiers ont cherché systématiquement à valider leur hypothèse », a soutenu Me Bidnic.
Le nerveux arrive d’abord, suivi du grand calme
Une « hypothèse » qui a émergé au début de l’enquête, commencée après le braquage d’un supermarché Intermarché à Chatenay-Malabry en novembre 2016, avant des vols à main armée similaires à Paris, Vanves, dans l’Essonne et le Val-de-Marne, parfois commis en série le même jour. C’est le mode opératoire qui a amené la police à faire le lien avec une précédente série de braquages, remontant à 2007 et dans laquelle on retrouvait Fessal A. et Loris B. « Toujours le même mode opératoire », a détaillé l’avocat général, revenant sur « les éléments communs à tous ces vols à main armée ».
« Les malfaiteurs arrivent toujours à scooter, en décalé. Le passager entre en premier. Son rôle est d’identifier le responsable pour se faire conduire au coffre. Le deuxième, le pilote, entre quelques secondes plus tard. Son rôle, c’est de surveiller. Il est la tour de contrôle. Dans tous les faits, le premier est plus petit, plus nerveux. La tour de contrôle, c’est un homme plus grand, toujours très calme ». L’avocat général s’appuie sur les témoignages des employés et les images de vidéosurveillance des magasins braquées, qui montrent clairement les braqueurs, mais portant toujours des casques. Pour l’accusation, le « petit » est donc Fessal A. et Loris. B. « le grand » « plus calme ».
Trois braquages en quarante-cinq minutes
Autres caractéristiques communes à tous les braquages : la rapidité et la discrétion. « C’est fait entre trois et cinq minutes maximum », relève Jean-Pascal Oualid, et « même quand ça chauffe un peu, ils sont discrets ». L’avocat général évoque cette scène du 2 juillet 2017, lors du braquage de l’Intermarché de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) où les clients du magasin passent tout près des braqueurs, bousculant légèrement un employé « sans se rendre compte de quoi que ce soit ». Ce dernier braquage est le seul où ça a « chauffé un peu », les braqueurs apparaissant plutôt « maîtrisés », « rodés », « sachant parfaitement quoi faire et comment s’y prendre ».
Les « faits multiples dans une même journée sont un autre point commun. On. voit parfois deux braquages le même jour mais trois, je n’avais jamais vu ça », avance l’avocat général. Le 5 décembre 2016, par exemple, les braqueurs ont sévi à l’Intermarché de Vanves puis dans un magasin de la même enseigne à Gentilly (Val-de-Marne) et dans un Office dépôt du XXe arrondissement de Paris. Le tout en quarante-cinq minutes. Les magasins Intermarché étaient la cible préférée des malfaiteurs.
La parole aux accusés, muets depuis leur arrestation
«Ils connaissaient les protocoles de sécurité, savaient que ce n’étaient pas des convoyeurs mais les employés qui rechargeaient les distributeurs de billets », a aussi relevé l’avocat général, énumérant à l’appui de ses réquisition des « coïncidences » qui n’en sont pas à ses yeux. Dont la découverte d’un pistolet et d’un silencieux dans le coffre de Loris B.. Deux armes vues sur certaines braquages. « Qu’est-ce qui ressemble plus à un silencieux qu’un silencieux » ? écarte Yves Leberquier, pour qui l’avocat général présente une « fausse homogénéité ».
Les accusés, taiseux depuis leur arrestation, auront la parole en dernier vendredi matin. Le verdict devrait être rendu en fin de journée.»