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Foire judiciaire à Bobigny (le Canard enchaîné, 03/08/2022)

« Quand le proc blackboule le Code pénal, c’est le Far West au tribunal ». 

« TROP LENTE, la justice ? Pas toujours ! Elle peut même se révéler fulgurante pour peu qu’un procureur ait le sens de l’anticipation.

Le 21 juin, Sofiane est arrêté en Seine-Saint-Denis avec 230 grammes de coke. Placé en garde à vue, il est présenté à un membre du parquet de Bobigny, qui doit décider de le renvoyer ou non en comparution immédiate. L’avocate de Sofiane, Sophie Bonamour, s’aperçoit que le proc, ni vu ni connu, a déjà signé le PV de renvoi qui décide que le dealer présumé sera jugé touts affaires cessantes par le tribunal. Le prévenu n’a même pas été entendu, mais à quoi bon perdre du temps ? L’avocate fait immédiatement acter la constatation du raccourci procédural. Le magistrat admet avoir préparé à l’avance son document.

Au tribunal, fais ce qu’il te plaît 

Conséquence de cette précipitation : le 19 juillet, la 17ème chambre du tribunal de Bobigny jette à la poubelle le document préfabriqué et ordonne la remise en liberté de Sofiane, qui rentre tranquillement chez lui. Mais, à peine l’audience terminée, le parquet ordonne à la police de l’interpeller. Le lendemain, les flics sortent l’intéressé dru lit et le placent de nouveau en garde à vue. Aucune investigation n’est menée. Et Sofiane est renvoyé « en compa », pour les mêmes faits, devant le même tribunal.

Le 20 juillet, Sofiane arrive menotté dans le box vitré. Son affaire est la dernière de la journée. La présidente prévient à 21 h 25 : « Je prends le dossier, vous présentez vos arguments, je ne veux pas sortir après 22 heures ». Thomas Bidnic, le deuxième avocat de Sofiane, fulmine. « Cette seconde garde à vue est un détournement de procédure pur et simple ! Le procureur de la République ne pouvait légalement l’ordonner : une fois la procédure annulée, le parquet est dessaisi. On n’a jamais vu ça ! Le parquet prend vraiment votre Tribunal pour son larbin ! »

Du côte du ministère public, l’agacement pointe. L’affaire est délicate, des collègues magistrats sont venus à la rescousse. « Le parquet avait le droit d’interpeller votre client ce matin », prétend la représentante de l’accusation.

« Très mauvais joueur, le procureur qui s’est déjà pris une claque », rétorque l’avocat. « Vous avez compris quelque chose à ce qui a été dit ? », demande la présidente à Sofiane. « Rien du tout », répond l’intéressé. À 22 h 06, le tribunal rend sa décision. Le parquet a détourné la procédure pénale au préjudice du prévenu. Sofiane est libéré, pour la seconde fois en deux jours. Vite, une idée fraîche pour l’arrêter une troisième fois ? »

 

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